jeudi 21 juin 2012

Le virus de Schmallenberg en 7 questions

Les agneaux sont les principales victimes du virus de Schmallenberg, qui sévit dans toute l'Europe du nord et de l'ouest depuis novembre 2011. SUPERSTOCK/SIPA


Après l’apparition de nombreuses malformations graves dans des élevages ovins et bovins d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique en novembre 2011, le premier cas d’animal atteint du virus de Schmallenberg en France a été identifié le 25 janvier 2012. Au 16 février, les pouvoirs publics recensaient 152 élevages touchés dans 25 départements, principalement dans le nord et l’est du pays, à la frontière avec les pays les plus touchés.
Le ministère de l’Agriculture est rassurant : "Il n’y pas d’hécatombe et l’impact économique devrait être limité", indique un porte-parole. Un test sérologique pourrait être disponible dès le mois de mars, pour dépister les animaux en contact avec le virus. Aucune restriction des échanges n’a été décidée pour l’heure au sein de l’Union européenne.
A l’extérieur en revanche, la Russie, le Mexique, l’Egypte et le Kazakhstan ont fermé leurs frontières aux veaux français. Plus inquiétant, les pays du Maghreb et le Liban pourraient être tentés de faire de même, alors que la France y est largement exportatrice de viande bovine. "Des négociations sont en cours, pour leur apporter un maximum de garanties", indique-t-on au ministère de l’Agriculture.
Dès le mois de décembre, le gouvernement a mis en place un dispositif de surveillance qui réunit la Direction générale de l’alimentation (Ministère de l’Agriculture), des professionnels de la santé animale et l’Agence de sécurité sanitaire des aliments (Anses). Celle-ci doit rendre un avis lundi 20 février, sur le risque de diffusion de l’infection et les mesures à prendre en matière de diagnostic et de prévention.
Thierry Pineau, Chef du département de santé animale de l’Institut national de recherche agronomique (Inra), fait le point sur le virus.

1 - Que sait-on du virus de Schmallenberg ?

Peu de choses. Il s’appelle "virus de Schmallenberg" parce que le premier isolat du virus a été fait à partir d’un échantillon provenant de la commune de Schmallenberg, dans l’ouest de l’Allemagne. Il a été prélevé sur un agneau avorté. C’est une émergence, un agent pathogène original et nouveau.
Ce qu’on connaît le mieux pour l’instant, ce sont ses effets sur les ruminants : diarrhées, fièvres et baisse de productivité chez les bovins, baisse de productivité et comportement lymphatique des troupeaux chez les ovins. Les animaux adultes s’en remettent très bien.
Ce virus a circulé l’été dernier dans différents pays de l’Union européenne de façon diffuse, et sans qu’on l’identifie comme tel. Nous ne l’avons trouvé qu’à l’automne, parce que c’est un virus fortement tératogène : de nombreux agneaux sont nés avec des malformations en novembre et décembre.

2 - Quelles sont les malformations observées ?

La maladie déforme sévèrement les foetus, le développement du cerveau peut être entravé par la formation de cavités anormales. Les membres sont difformes. Les tendons peuvent présenter des raidissements, ce qui rend l'expulsion particulièrement difficile pour les brebis.
Les pertes sont très variables selon les élevages, sans qu’on sache l’expliquer. Elles peuvent aller de quelques bêtes à 50% pour les agneaux. Pour les veaux, nous avons quelques rares cas avérés mais nous manquons de recul, puisque la principale période de mise bas aura lieu en mars-avril.
Il est probable que l’importance des moucherons (culicoïdes) et moustiques y soit pour quelque chose, puisque ce sont très probablement ces insectes volants qui véhiculent le virus.

3 - Comment ce virus est-il parvenu sur le territoire européen ?

A ce stade, nous l'ignorons. Selon les résultats des collègues allemands qui ont isolé et séquencé son génome, il est relativement proche d’un autre virus, Akabane, qui avait entraîné beaucoup de malformations de veaux au Japon dans les années 1970. Ils font tous deux partie de la famille des orthobunyavirus, qui n’affectent que les ruminants et sont véhiculés par les insectes et les tiques.

4 - Ce virus est-il transmissible à l’homme ?

Dans cette famille de virus, aucun n’est transmissible à l’homme. Par homologie avec ce qu’on connaît des virus les plus proches, nous n’avons donc aucune raison de suspecter qu’il puisse se transmettre à l’homme. Il n'a pas été jugé nécessaire par les autorités de gestion du risque de classer cette maladie dans les catégories à haut potentiel contagieux.

5 - A-t-on déjà une idée des pertes engendrées pour les éleveurs ?

Non, c’est un de nos sujets de recherche. Mais pour l’instant, nous sommes extrêmement surpris par la manière dont s’étend l’épidémie, beaucoup plus rapidement qu’habituellement pour ce type de virus. En cinq mois, depuis qu’on surveille sa diffusion, le virus de Schmallenberg a déjà fait son apparition jusque dans le milieu de la France, en Vienne et Haute-Vienne, jusqu’au nord des Pays-Bas et de l’Allemagne, ainsi qu'en Grande-Bretagne.
Alors qu’il avait fallu deux ans à un autre virus transmis par les insectes, la fièvre catarrhale ovine (FCO), entre 2006 et 2008, pour atteindre ces zones. On peut s'interroger sur l'existence d'une présence discrète du virus, de plus d'un an, sur le territoire européen.

6 - A-t-on un vaccin ?

Non, et le délai est trop bref pour espérer en mettre un au point avant l'entrée en activité des insectes piqueurs au printemps. On estime qu’ils sont au repos pour l’instant mais que les premières réactivations pourraient se produire dès mars ou avril selon les latitudes. La souche allemande du virus n’est disponible que depuis la fin décembre 2011, et la souche française depuis une semaine. Le développement et la production d'un vaccin efficace et sans risque, comme il en existe contre le virus Akabane et la FCO, ne peut intervenir avant des mois.
Il faudra donc entamer une nouvelle année de diffusion, en recourant à des méthodes de gestion de risques, très délicates et d'une efficacité relative quand il s'agit de se prémunir contre une maladie véhiculée par des insectes.

7 - L’émergence de nouvelles maladies est-elle fréquente ?

Oui, et de plus en plus. Cela s’explique d’abord par le fait qu’il y a énormément de déplacements d’hommes, de denrées, d’animaux et de denrées d’origine animale. On introduit parfois sous nos latitudes qui ne les connaissent pas, des agents pathogènes, par l'entremise d'insectes transportés lors des échanges commerciaux.
Par ailleurs, l’évolution de l’urbanisme et l’anthropisation des milieux fait que l’homme gagne sur les territoires sauvages, et force les contacts entre les hommes, les animaux et les agents pathogènes qui vivaient autrefois en territoire reclus, dans la forêt tropicale par exemple. Ces agents pathogènes s’adaptent alors à leur nouvelle niche écologique.
Ajoutez le fait que les moyens de détection sont de plus en plus sophistiqués et puissants, et vous comprendrez pourquoi on en voit de plus en plus. Les experts considèrent actuellement que 75% des émergences ont un potentiel zoonotique –maladies dont sont affectés hommes et animaux.

L’EFSA évalue l’impact du virus de Schmallenberg dans l’Union européenne


L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié son évaluation globale sur l’impact de l’infection par le virus dit «de Schmallenberg» (SBV) sur la santé des animaux, leur production et leur bien-être. Après avoir été décelé pour la première fois en Allemagne en 2011, le SBV a été signalé dans 3 745 élevages de l’UE à la mi-mai 2012, et huit États membres ont confirmé sa présence sur la base d’essais en laboratoire. L’EFSA conclut que l’impact de cette maladie animale sur les exploitations ne dépasse pas 4 % pour les ovins et 2 % pour les bovins au niveau des États membres.
En ce qui concerne le mode de transmission du virus, il n’existe aucune preuve de l’existence d’une autre voie de transmission que par les mères à leur descendance à travers le placenta, ou par un vecteur tel que le brûlot (moucheron Culicoides obsoletus). L’EFSA a noté que des résultats récents ont permis de déceler le SBV dans des zones où l’on trouve des populations de Culicoides obsoletus. Certaines données de recherche suggèrent que ces populations sont très répandues en Europe. Toutefois, des ensembles de données plus détaillées et harmonisées sont nécessaires.
L’Autorité a examiné les espèces animales les plus susceptibles de contracter le virus, notant que celui-ci a été détecté chez les bovins, les ovins, les caprins et chez un bison. Des anticorps SBV ont été détectés chez des cerfs, mais aucune autre espèce ne semble touchée. L'EFSA réaffirme également que de nouvelles études confirment l'évaluation préliminaire réalisée par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, qui établissait qu’il est très peu probable que le SBV soit dangereux pour les humains.
La probabilité que le SBV survive au cours de l’hiver, qu’il se répande en 2012 et se manifeste fin 2012/début 2013 est difficile à évaluer en raison d’un manque de données. Si le virus survivait au cours de l’hiver, le modèle de propagation géographique de l’EFSA indique que le SBV serait plus susceptible de réapparaître entre la mi-avril et la fin mai, et que toute poussée de SBV devrait être de taille similaire à celle qui s’est produite en 2011. Le virus devrait toucher les régions qui avait été épargnées jusqu’à lors (en supposant que les animaux dans les régions précédemment touchées seront immunisés). Selon le modèle développé par l’EFSA pour prévoir la propagation géographique potentielle du SBV au fil du temps, les zones les plus susceptibles d’être touchées (si le virus devait réapparaître plus tard cette année ou début 2013) seraient les régions situées au sud et à l’est des zones précédemment affectées. Cette évaluation de l’impact du SBV doit être interprétée avec prudence, car les niveaux signalés dépendent des règles nationales en matière d'obligation de notifier la présence de la maladie dès sa détection, du degré de sensibilisation des différentes parties intéressées et de la capacité de diagnostic des États membres. Aucune donnée n’est disponible pour l’instant concernant l’impact du SBV sur les exploitations agricoles individuelles.
Dans ses conclusions, l’EFSA présente un certain nombre de recommandations de recherche pour combler le déficit de connaissances mis en évidence dans l’analyse approfondie de l’Autorité sur la base de sa collecte de données, en liaison avec les États membres. 
L’Autorité continuera à surveiller et analyser les données épidémiologiques recueillies dans les États membres, et à présenter des rapports complémentaires à la Commission européenne et aux États membres le cas échéant.

Notes aux éditeurs:
Dans ce rapport, l’EFSA a analysé l'impact sur la base de la proportion d'exploitations dans lesquelles la présence de SBV a été confirmée par rapport au nombre total d'exploitations par région/État membre.
Il s’agit du quatrième rapport sur le SBV publié par l’EFSA depuis février 2012. Pour contribuer à l’établissement rapide d’une vue d’ensemble précise, l’EFSA a coordonné la collecte de données épidémiologiques relatives au SBV pour la période 2011-2012. Les enseignements tirés de cette analyse figurent également dans ce rapport.