lundi 7 mai 2012

Les biopesticides en agriculture biologique


Depuis plusieurs années, le nombre de biopesticides acceptables enregistrés au Canada a augmenté. Même si les producteurs biologiques ne devraient pas se fier aux biopesticides comme principal moyen de lutter contre les ennemis des cultures, ces produits peuvent néanmoins être utiles dans les situations où les pratiques culturales et mécaniques de lutte contre les ennemis des cultures n'ont jamais réussi à maintenir les ennemis des cultures à un niveau acceptable. Cependant, pour que ces produits donnent de bons résultats, il faut que l'utilisateur comprenne de quoi il s'agit et comment ils fonctionnent, puisque leur mode d'action diffère considérablement de celui des produits conventionnels comme le cuivre et le souffre.

Que sont les biopesticides?

Les biopesticides désignent, en gros, les produits de lutte contre les ennemis des cultures qui proviennent de matières naturelles, comme les animaux, les plantes, les bactéries et les minéraux. Ils peuvent être microbiens - l'ingrédient actif est alors un microorganisme bénéfique - ou biochimiques, auquel cas l'ingrédient actif est dérivé d'une substance naturelle qui permet de lutter contre les ennemis des cultures de façon différente (généralement moins toxique) des pesticides conventionnels. Les biopesticides les plus connus sont ceux fabriqués à partir de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt), un insecticide communément utilisé en agriculture biologique, mais de nombreux autres ingrédients actifs sont également disponibles.

Acceptabilité pour l'agriculture biologique

Il importe que les producteurs biologiques comprennent que certains biopesticides ne sont pas acceptables pour l'agriculture biologique. Par exemple, BotaniGard est un bioinsecticide à base de champignons insecticides qui est enregistré pour être utilisé dans certaines cultures en serre, mais les formulations actuellement enregistrées ne sont pas permises en production biologique. Il existe des produits acceptables pour la production biologique faits à partir de ces champignons, mais ils ne sont pas enregistrés actuellement au Canada. Même lorsqu'un biopesticide est généralement acceptable pour la production biologique (p. ex., ceux qui figurent dans les listes de l'Organic Materials Review Institute), il ne sera peut-être pas acceptable pour tous les organismes de certification du Canada. En outre, de nombreux biopesticides largement utilisés par des producteurs biologiques dans d'autres pays ne sont pas enregistrés au Canada et ne peuvent être utilisés légalement ici. C'est le cas, par exemple, des produits à base d'huile de margousier (neem). Très utilisés aux États-Unis, ces produits ne sont pas enregistrés au Canada. Morale de cette histoire : assurez-vous toujours qu'un biopesticide peut être légalement utilisé dans vos cultures et qu'il est acceptable par votre organisme de certification avant de l'utiliser pour la première fois.

Utilisation efficace des biopesticides

Bien que de nombreux biopesticides soient formulés, emballés et appliqués de la même façon que les produits conventionnels de lutte contre les ennemis des cultures, leurs ingrédients actifs sont très différents. Ces produits, dont beaucoup sont à base d'organismes vivants, sont beaucoup plus sensibles aux moindres changements des conditions qui auraient peu d'effets sur le rendement des produits conventionnels. La manutention, l'entreposage et les attentes quant à l'efficacité doivent donc être rajustés. Il faut tenir compte notamment de ce qui suit :
  • Les biopesticides ne sont généralement pas conçus comme « remède miracle » et devraient toujours être utilisés parallèlement avec d'autres stratégies de lutte contre les ennemis des cultures.
  • Le moment de l'épandage est l'un des facteurs qui influent le plus sur l'efficacité des biopesticides. Beaucoup de ces produits sont préventifs et ne seront pas efficaces lorsque des ravageurs seront présents en grand nombre. Cela est particulièrement vrai dans le cas de nombreux biofongicides, qui sont fabriqués à base de microbes utiles qui colonisent les surfaces des racines des plantes et font obstacle aux pathogènes des végétaux. Si le pathogène a déjà envahi les racines avant l'application, le biopesticide n'aura aucun effet. Le moment de l'application peut également être influencé par le stade de vie ou l'activité du ravageur. De nombreux bioinsecticides (p. ex., les produits à base de Bt) sont plus efficaces contre les jeunes insectes et perdent de leur efficacité lorsqu'on les applique à des stades plus avancés de la vie des ravageurs.
  • Il est important également de bien recouvrir la surface des végétaux pour assurer l'efficacité de la plupart des biopesticides. Parce que, pour être efficaces, la plupart de ces produits doivent entrer en contact directement avec le ravageur, toutes les parties de végétaux touchées doivent être bien recouvertes. Cela peut être difficile avec des ravageurs comme les pucerons ou les tordeuses qui se terrent dans des endroits protégés sous les feuilles ou à l'intérieur de celles-ci.
  • Les biopesticides peuvent être extrêmement sensibles aux facteurs environnementaux comme le soleil, la pluie, l'humidité ou la température. L'ingrédient actif dans les produits à base de Bt est sensible aux rayons ultraviolets et une exposition prolongée au soleil peut en réduire l'efficacité. Plusieurs produits sont conçus pour éliminer différents pathogènes dans le sol. Ils contiennent des spores vivantes de microbes utiles qui cessent d'être actives lorsque la température du sol est basse et qui, par conséquent, perdront de leur efficacité s'ils sont appliqués dans des sols frais.
  • À cause de leur sensibilité à l'environnement, beaucoup de biopesticides ont une activité résiduelle limitée. Les biopesticides qui forment une barrière sur les surfaces exposées des végétaux (p. ex., Surround WP, enregistré pour supprimer les insectes sur certaines cultures) sont souvent délogés par le vent ou la pluie. D'autres se dégradent rapidement et perdent leur capacité à long terme. Pour ces produits, il peut être nécessaire de répéter les applications.
  • Les biopesticides peuvent également être touchés par les conditions des réservoirs de solution à pulvériser. Les facteurs dont il faut tenir compte comprennent la température, le pH et d'autres composés de l'eau de vaporisation, la compatibilité avec d'autres produits et la durée de vie de la solution à pulvériser. Par exemple, certains biofongicides qui contiennent des champignons bénéfiques ne devraient pas être mélangés dans le réservoir avec des fongicides. D'autres produits se décomposent ou s'altèrent quand on les laisse dans les réservoirs pendant de longues périodes. Soyez donc vigilants et vérifiez si l'étiquette précise que le produit devrait être utilisé dans un certain délai après avoir été mélangé à l'eau.
  • Parce que les biopesticides contiennent souvent des organismes vivants, leur entreposage peut nécessiter des soins particuliers. Il n'est pas rare de lire sur les étiquettes qu'un produit peut être conservé pendant plusieurs mois s'il est réfrigéré mais pendant quelques semaines seulement s'il est entreposé à température ambiante. Cela contraste avec beaucoup de produits conventionnels qui peuvent souvent être entreposés pendant des périodes bien plus longues.
En conclusion, les biopesticides peuvent être un outil utile pour lutter contre les ennemis des cultures plus coriaces dans les systèmes de production biologique. Cependant, il est important de vous assurer que les produits sont enregistrés au Canada et acceptables pour votre organisme de certification. En outre, il est particulièrement important de suivre le mode d'emploi et les directives d'entreposage se trouvant sur l'étiquette pour assurer l'efficacité optimale du produit. Ces produits donneront des résultats décevants si vous ne suivez pas minutieusement les consignes concernant le moment de l'application et les conditions de l'environnement. Par ailleurs, il est important d'établir un équilibre entre le niveau de suppression des ennemis des cultures et les coûts associés à l'épandage du produit. Pour ce faire, il peut être utile de laisser une partie du champ non traitée comme contrôle lorsque vous essayez des biopesticides.

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